Pouvoir d’agir (empowerment)
Dernière mise à jour : 9 sept.

« I am the master of my fate,
I am the captain of my soul. »
William Ernest Henley.
Imaginez-vous à bord d'un galion ou d'un brick, ces grands navires à voile armée, aux multiples mats et à l'ingénierie impressionnante. Imaginez que vous en êtes le capitaine et que vous êtes à la barre.
Imaginez maintenant que la mer représente la Vie. Personne n'a le contrôle des flots, de l'intensité de ceux-ci, de leur hauteur, de leur imprévisibilité, de leur force, de la présence ou de l'absence du vent, de la présence ou de l'absence de pluie ou d'orage ainsi que sur le sens des courants. La mer est capricieuse, elle est maître et elle est libre. Vous n'êtes que de passage alors qu'elle est éternelle. Nous ne pouvons que nous soumettre et l'accepter afin de réagir adéquatement à ses caprices.
Toute résistance est vaine.
Le navire représente votre vie. Vous êtes responsable de sa navigation et vous ne pouvez qu'utiliser les éléments naturels - air, eau - car n'oubliez pas que vous êtes à bord d'un voilier datant du 17e siècle. En tant que capitaine, il est de votre devoir de réagir adéquatement aux changements de la mer : utiliser le vent adéquatement, suivre les courants, connaître le ciel et ses étoiles et connaitre le bâtiment pour en prendre bien soin. Une mauvaise manœuvre pourrait endommager le navire et nuire à votre voyage.
Il y a deux vérités universels : vous ne toucherez jamais terre et, si vous le naviguer adéquatement, votre navire est quasi-indestructible. C'est là le plus gros défi.
Enfant, nous n'avons pas ou peu d'habileté pour naviguer. La première responsabilité de nos parents est donc de nous transmettre le savoir afin de nous rendre capable de naviguer seul. Vous comprendrez ici que leurs limites ainsi que leurs capacités individuelles deviennent par défaut les nôtres. Toutefois, nous pouvons acquérir le savoir nécessaire chez d'autres personnes. Le proverbe africain « il faut tout un village pour éduquer un enfant » représente bien l'importance d'aller puiser chez les autres ce savoir.
Adolescent, nous ressentons le besoin de naviguer seul et de faire des erreurs pour connaître notre navire, sa constitution, et surtout savoir comment le manœuvrer. La présence d'un adulte, plus expert, demeure toutefois cruciale et essentielle. Trop d'adolescents sont laissés à eux-mêmes ou, au contraire, sont restreints dans leur quête d'indépendance. Les deux styles parentales nuisent considérablement à l'émancipation de cet individu et peuvent endommager irréversiblement le navire puisque l'adolescent n'apprendra pas l'art subtile de naviguer. Il n'est, heureusement, jamais trop tard pour apprendre.
Cela implique que de devenir adulte est simplement de prendre la barre et d'assumer pleinement son devoir et ses responsabilités. C'est d'assumer les conséquences positives et négatives de ses erreurs de navigation. Cette étape fait peur et certains n'y arrivent pas.
Ces derniers abdiquent la navigation de leur navire. Ils délaissent ce devoir à autrui ou laisse le gouvernail sans capitaine. Cette tactique, bien que inconsciente, est nocive autant pour eux que pour les autres. Un parent trop contrôlant, des abus, de la négligence ou des agressions peuvent amener une personne à développer la certitude qu'elle n'est pas maître à bord, mais à la merci des éléments. On peut se l'imaginer assise dans un coin sur le pont, ou debout à regarder la mer, subissant l'orage, voiles déployées et la barre qui tournoie dans tous les sens, criant pour que quelqu'un la saisisse. Mais on a fait croire à ce capitaine, qu'il n'était pas un capitaine, qu'il n'y en avait pas droit ou qu'il n'en était pas digne.
Tout cela n'a rien à voir avec la dignité ou la permission d'autrui car il suffit d'exister pour avoir son navire. Vous avez la contrôle de votre vie car vous pouvez tenir la barre. On peut vous faire croire autre chose, mais les faits demeures, ce navire est le vôtre, il ne vous suffit que de le croire pour ensuite apprendre à le naviguer. Pas une mince affaire!
Tenir la barre et naviguer représente son pouvoir d'agir. Comprendre son pouvoir d'agir permet de réagir adéquatement à la Vie. On sait alors quand fermer les voiles et les écoutilles, quand aller à bâbord ou tribord selon les astres et les courants. Est-ce que vous aurez toujours les bonnes réactions ? Bien sûr que non. La mer est capricieuse et imprévisible, la Vie l'est tout autant, mais vous comprendrez que peu importe les circonstances, il y aura toujours un choix. Le choix peut être extrêmement limité - par exemple, se plier aux ordres d'un bourreau ou mourir -, mais il n'en demeure pas moins que la possibilité de choisir existe.
Dans un contexte de violence, d'abus et d'agression, il y a ce qu'on appelle l'impuissance acquise. La personne ne perçoit plus que son impuissance. La violence - sous toutes ses formes - l'a amené là lentement et subtilement. Elle peut habitée son navire tel un fantôme ou être carrément à la mer, en attente que quelqu'un vienne la sauver. Incapable de s'orienter dans cette masse imprévisible, incapable de comprendre que son navire est tout près et surtout que c'est son navire, qu'elle est digne et capable d'en être le capitaine. Il l'attend car il est elle et elle est lui. Ils sont inséparables.
Personne ne peut vous sauver. Vous seule pouvez retourner sur votre navire et reprendre la barre peu importe votre état. Les autres ne peuvent que vous guider dans la démarche.
Allez! À l'abordage !
Artiste peintre: Montague J. Dawson